Trois questions à Roman Escolano, Vice-Président de la Banque Européenne d’Investissement (BEI)


« Un effort financier constant et spécifique pour la Méditerranée »

Pour travailler ensemble, collaborer et favoriser une meilleure connaissance de la Méditerranée et de ses acteurs, il est important de bien se connaître. Dans chaque newsletter, l’OCEMO dresse le portrait d’un ou deux de ses partenaires. Roman Escolano, Vice-Président de la Banque Européenne d’Investissement, nous explique le rôle clef que joue cette institution en faveur de la coopération méditerranéenne.

-  Quel est le rôle de la Banque Européenne d’Investissement (BEI) en Méditerranée ?

roman_escolanoEn dehors de l’Union européenne, la BEI met en œuvre le volet remboursable des accords d’aide et de coopération que l’Union entretient avec 130 pays dans le monde. La BEI est ainsi présente dans tous les pays riverains du Bassin méditerranée, outre ses pays membres : les 10 pays du Maghreb et du Machrek et Israël (pays partenaires de l’Union), la Turquie (pays c andidat à l’adhésion) ou les Balkans occidentaux (pays ayant vocation à adhérer à l’Union).

Notre présence dans les 10 pays méditerranéens partenaires remonte au début des années ’70 et s’est progressivement affermie au fur et à mesure de l’approfondissement des accords de coopération avec l’UE. Depuis 1996, la BEI y a investi 20 milliards d’€ et notre jauge actuelle est proche d’1,5 milliard par an.

C’est dire la constance de notre investissement malgré toutes les difficultés qui se sont abattues sur la région depuis 20 ans. Pour 2014-2020, l’Union nous a confié un m andat de plus de 10 milliards et, ainsi que l’a annoncé le Président Juncker lors de son message sur l’état de l’Union le 14 septembre,  les instances européennes discutent actuellement la mise en place d’un « Plan d’Investissement pour l’Extérieur » conçu d’après le succès du « Plan d’investissement pour l’Europe ». Le Plan pour l’extérieur bénéficiera aux pays de la rive Sud et Est de la Méditerranée et du continent africain.

Cet effort financier constant et spécifique pour la Méditerranée est un atout considérable que l’Union européenne apporte à cette région.

-  Quelles sont vos priorités opérationnelles ?

Nous accompagnons les mutations économiques et sociales des pays partenaires pour les rendre plus capables d’améliorer la qualité de vie et l’emploi de leurs habitants, et de parvenir à s’insérer avec succès dans la compétition mondiale.

Pour ce faire, nous déployons une variété de produits financiers et d’assistance technique suivant trois axes d’intervention :

  • Améliorer l’accès des entrepreneurs au crédit, afin de favoriser la création d’emplois et d’améliorer la qualité des productions locales. A cette fin, nous travaillons étroitement avec le secteur bancaire et financier local pour mettre à disposition des entreprises des prêts à moyen long terme, des fonds propres, de la microfinance et des garanties.
  • Financer le rattrapage en infrastructures de développement économique et social, notamment dans les secteurs du développement urbain durable, de l’efficacité énergétique (en particulier les transports collectifs), des structures d’éducation et de formation professionnelle, ainsi que le développement de services de santé performants.
  • Enfin, favoriser les partenariats d’entreprises et les investissements directs étrangers, non seulement pour les apports en capital, mais aussi pour les transferts de technologies et la mobilisation des initiatives privées locales que ces opérations représentent pour les économies du Sud. Dans cet esprit, nous mettons en œuvre les techniques de financement et de garanties les plus modernes qui ont vu leurs effets avec l’essor de l’industrie automobile au Maroc, médicale en Tunisie et en Egypte, ou des partenariats public-privés réussis en Jordanie pour la gestion des eaux et les énergies renouvelables.

Tout ceci se fait avec l’appui des autorités et opérateurs de marché locaux : ainsi, par exemple, nous envisageons de développer des financements en monnaie locale au Maroc.

-     Quelles sont vos actions emblématiques ?

Ce seront des projets en faveur du développement durable et de la transition climatique. L’année dernière, 50% de nos financements ont été consacrés à cet objectif parce que le réchauffement climatique est déjà observé de manière tangible en Méditerranée. En prélude à la COP22, la BEI a d’ailleurs tenu une conférence internationale à Casablanca le 8 septembre dernier.

Quelques exemples : l’usine de désalinisation d’eau de mer de Gaza qui, à terme, apportera de l’eau potable (enfin !) à 150.000 gazaouis, en étant alimentée à 60%% par des énergies renouvelables. Le métro du Caire qui tente de soulager la capitale égyptienne de son chaos automobile. Il  y a aussi d’autres projets importants réalisés au Maroc : la ville nouvelle de Zenata près de Casablanca permettra de reloger 150.000 personnes actuellement en bidonville ;  la ferme éolienne des hauts de Tanger contribue à répondre à la dem ande d’une région en forte croissance ; le complexe solaire de Ouarzazate, d’une puissance potentielle de 500 MW, soit l’équivalent de l’alimentation d’une ville de 1,5 million d’habitants; le tramway de Casablanca, etc., la liste est loin d’être exhaustive !

-     Comment voyez-vous évoluer le cadre de vos activités dans les années  à venir ?

Les événements récents (mouvement démocratique arabe, crises syrienne et sahélienne, flux de réfugiés) laissent à penser que la mobilisation de ressources complémentaires sera une condition sine qua non pour soutenir le développement et la résilience économique à long terme, ainsi que les créations durables d’emplois.

Dans les cinq prochaines années, le volume total des prêts devrait dépasser 15 milliards d’€ pour les rives Sud et Est de la Méditerranée, y compris la Turquie. C’est appréciable, mais ce n’est probablement pas suffisant compte tenu des enjeux considérables de la région.

C’est pourquoi nous participons très activement aux discussions sur le calibrage, les objectifs et la nature des produits financiers qui constitueront le « Plan d’Investissement pour l’Extérieur ». Il est important que ce plan ait une dimension significative. A ce stade, les ordres de gr andeur envisagés se situent autour de 30 milliards d’€ de financements additionnels sur cinq ans.