L’investissement inclusif : un nouveau regard sur le développement économique des territoires


e-noutaryLes événements survenus tout autour de la Méditerranée cours de l’année 2011 obligent à reconsidérer la notion de développement économique, et à développer un nouveau partenariat plus équilibré entre les territoires et les investisseurs.

Moins de deux ans après que l’Egypte décroche le titre de « top reformer » du classement Doing Business de la Banque mondiale, six mois après que la Tunisie figure comme « pays le plus compétitif d’Afrique » dans la liste du World Economic Forum, des jeunes désespérés s’immolent, et catalysent un mouvement de contestation dans l’ensemble de la région : chute de deux dictateurs et de plusieurs gouvernements dans les pays sud méditerranéens et arabes, nouvelle constitution au Maroc. Au sud de l’Europe aussi, dans des pays ébranlés  par la crise de la dette, on grogne contre une doxa économique imposée par l’Union européenne que l’on accuse d’oublier la dimension sociale du développement.

Pour nous qui suivons l’évolution des flux d’investissement étranger dans les pays MED via l’observatoire ANIMA-MIPO, le constat est similaire : après une décennie dorée pour les pays du sud, il nous faut nous rendre à l’évidence : ces chiffres records, tout comme ceux de la croissance, n’ont que peu d’impact sur le développement des territoires et l’amélioration des conditions de vie des populations. La plupart des investissements sont situés sur les zones côtières ou métropolitaines, donc accentuent le déséquilibre de développement entre régions. Surtout, 50% du volume d’investissement étranger au sud depuis les dix dernières années se fait dans les secteurs parmi les moins efficaces pour la création d’emploi, par rapport aux montants investis : l’énergie, le BTP, les cimenteries, même le tourisme, créent moins de 15 emplois par million d’euro !

Il y a pourtant beaucoup à attendre des IDE (investissements directs étrangers), à commencer par des devises dont le sud a bien besoin à l’heure où le tourisme décroît, et où l’Europe réduit ses importations. Mais aussi du transfert de savoir-faire, des connexions aux marchés étrangers, des emplois bien sûr, et la dynamisation de nouvelles filières économiques. A condition d’enrichir l’approche. A l’image de l’UE qui prône une politique « more for more » avec ses pays voisins, les territoires doivent développer un partenariat équilibré avec leurs investisseurs. Réclamer plus d’intégration des projets, plus d’emplois, de sous-traitance, de transfert de valeur. Et en échange, offrir plus aux entreprises qui jouent le jeu: un accès facilité pour les démarches administratives, un statut et une réputation d’entreprise citoyenne sur le marché domestique, et enfin une incitation financière - souvent déjà prévue par les pays, qui soit indexée sur l’impact inclusif du projet.

C’est le sens de l’initiative EDILE que vient de lancer le réseau ANIMA avec le soutien du programme IEVP-CT MED de l’Union européenne, et en partenariat avec cinq territoires pilotes et plusieurs réseaux d’experts, dont l’OCEMO, ainsi que des organisations internationales de développement. EDILE développera des outils d’analyse pour évaluer l’inclusivité des projets, qui seront testés sur 15 projets pilotes et intégrés dans les pratiques d’agences de développement économique et d’investissement pionnières sur cette démarche.

Les entreprises ont généralement bien conscience qu’une meilleure intégration territoriale et sociale est source d’efficience économique. Les territoires doivent être capables d’accompagner cette inclusivité. L’enjeu est à court terme, la création d’emploi et de valeur, et à moyen terme, la fidélisation durable de ces investisseurs sur leurs territoires.

Emmanuel Noutary, Délégué général, ANIMA Investment Network